Sur les rythmes scolaires, tout n'a pas été dit !
Par Guillaume Hamon
Oui, il faut réussir cette réforme des rythmes scolaires...
Oui, il y a des instituteurs et professeurs des écoles qui sont
favorables à une réforme des rythmes scolaires. Ils le sont parce qu'ils
ne sont pas attachés à leur statut mais bien attachés à la réussite des
élèves ! Si la formation initiale et continue des enseignants est un
enjeu primordial pour la qualité de l'enseignement, la question des
rythmes scolaires n'en est pas moins importante pour ne pas la reporter
une nouvelle fois. En effet, nos élèves français ont les journées les
plus longues par rapport aux autres élèves européens avec 6h
d'enseignement sur un faible nombre de jours : 144 (moyenne OCDE : 187
jours), le plus faible d'Europe. De nombreuses études ont démontré que
les rythmes actuels nuisent aux apprentissages des élèves. Voici par
exemple les conclusions d'Hubert Montagner, l'un des experts sur cette
question :
Les rythmes scolaires sont-ils adaptés aux besoins des enfants ?
Hubert Montagner, ancien directeur du laboratoire de
psycho-physiologie de la Faculté des Sciences de Besançon, et
spécialiste reconnu des rythmes biopsychologiques des enfants. Extraits
d'un article du Café pédagogique du 17 septembre 2008.
« Si on se fonde sur les observations filmées tout au long du temps scolaire,
aucun enfant de l'école primaire ne peut être vigilant, attentif, réceptif et disponible pendant cinq heures trente de temps pédagogique, même quand elles sont interrompues par des moments de détente. »
Une réceptivité et une disponibilité optimales des élèves se situent entre 9h et 11h et entre 15h et 16h30. Chez les CP-CE, l'attention dans une journée est estimée
à 3h30 et chez les
CM à 4h30 environ.
Les
signes de fatigue des élèves
augmentent entre 9h et 9h30, entre 11h et 11h30 et entre
14h30 et 15h. Deux
moments de la journée scolaire se caractérisent par une vigilance
nettement plus faible à tous les âges de l'école primaire :
*
à partir de 08h30, heure d'entrée en classe, il faut entre
30 et 60 minutes pour que les enfants trouvent un niveau de vigilance suffisamment élevé.
*
à la mi-journée, entre
12h30 et 14h00. Cela
se caractérise à tous les âges par une dépression de la vigilance
corticale, sans relation avec les entrées alimentaires. Chez les enfants
d'école maternelle, c'est le temps de la sieste.
La
plage de temps à partir de 16h00-17h00 se prête bien aux activités physiques et sportives. En
effet, elle se caractérise par une augmentation du métabolisme, de la
température corporelle et de la force musculaire, et une optimisation
des coordinations motrices.
Ainsi,
la première heure, la mi-journée et le temps postscolaire (après 16h30, tous les enfants sont fatigués)
ne se prêtent pas à des activités qui nécessitent une forte mobilisation de l'attention et des ressources intellectuelles.
L'article complet :
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/pages/2008/09/montagner rythmesscolaires.aspx
Ainsi, d'après ces études, il vaut mieux :
- limiter la journée à 5h d'enseignement maximum
- ne pas commencer trop tôt les cours : débuter vers 9h plutôt que 8h30
- avoir une longue pause méridienne (de 2h à 2h30 avec des activités calmes après le déjeuner, ce qui suppose des activités et locaux adaptés)
pour reprendre vers 14h/14h30 (au lieu de 13h30).
- privilégier les activités sportives ou culturelles (détente)
après 16h. Cela permettrait aux associations sportives ou culturelles de
proposer leurs activités en fin d'après-midi à la place du mercredi matin.
Outre ces recommandations, les résultats des élèves français aux
évaluations internationales (PISA, PIRLS...) ne plaident pas non plus
pour un statu quo. Aussi, combien d'enseignants se sont plaints du
rythme épuisant, du manque de concentration des élèves en fin de
journée, avec en plus les heures d'aide personnalisée après la classe
pour les élèves en difficulté ? Ils savent, par leur expérience de
terrain, qu'on est plus efficace dans les apprentissages le matin que
l'après-midi. Une matinée de plus, ce n'est pas rien ! Surtout pour les
apprentissages fondamentaux que sont le français et les mathématiques.
Travailler le mercredi matin, c'est aussi assurer une continuité des
rythmes chronobiologiques pour l'enfant au lieu de créer une rupture
dans sa semaine.
Cette volonté de changement ne date pas d'hier puisque cette réforme
était déjà en discussion avec le gouvernement précédent. Une
consultation avait d'ailleurs été engagée en 2010-2011 et avait abouti à
un large consensus. Dix mesures avaient été préconisées dans le rapport
d'orientation du 4 juillet 2011 :
http://media.education.gouv.fr/file/06_juin/67/1/Rythmes_scolaires_rapport-d-orientation_184671.pdf
Voilà, maintenant que le diagnostic est posé, que des solutions ont
été proposées : il est temps de prendre ses responsabilités ! Saluons
donc le courage politique d'engager une telle réforme qui changera
quelques peu les habitudes des élèves, des parents, des enseignants, du
personnel communal mais aussi des centres de loisirs, des associations
sportives, culturelles, religieuses (catéchèse), etc.. Cette réforme va
permettre de relancer (ou lancer) des projets éducatifs locaux : ceci
est positif car cela va réunir tous les partenaires et les mobiliser
autour de la question du temps éducatif des enfants.
Le pire serait évidemment l'échec de cette réforme. Elle n'est
souhaitable pour personne et encore moins pour les enseignants du
primaire qui seraient pris à partie par l'opinion publique. Cela serait
injuste car ils ne sont pas les seuls à porter cette réforme. De plus,
ils se sont trouvés le plus souvent en première ligne pour faire évoluer
le système éducatif. Mais, malheureusement le dénigrement a déjà
commencé. Il n'y a qu'à lire l'éditorial du journal Le Monde du 22
janvier 2013 qui titre : « L'école ou le triomphe du corporatisme » ou
bien l'article du journal La Croix du 23 janvier : « L'école n'aime pas
les réformes ». Pour dénoncer ce corporatisme, les éditorialistes
s'appuient sur la grève des enseignants parisiens du 22/01/2013. Or,
celle-ci est isolée et ne reflète pas l'opinion de tous les enseignants
français.
Que dit le projet de réforme actuel ? Que change-t-il par rapport à avant ?
|
Avant 2008
|
Rentrée 2008
|
Rentrée 2013 ou 2014
|
Nombre de semaines de classe sur l'année scolaire
|
36
|
36
|
36
|
Nombre de jours de classe annuels
|
180
|
144
|
180
|
Nombre de jours de classe hebdomadaires
|
4 jours et demi*
(dont samedi matin)
|
4 jours*
|
4 jours et demi*
(dont mercredi matin)
|
Nombre d'heures d'enseignement annuel
|
936h
|
864h
|
864h
|
Nombre d'heures d'enseignement hebdomadaire
|
26h
|
24h
+ 2h d'aide aux élèves en groupe restreint
|
24h
+ 1h d'aide aux élèves en groupe restreint
|
Heures réglementaires des enseignants par semaine
|
27h
|
27h
|
27h
|
• Heures d'enseignement
|
26h
|
24 h
|
24 h
|
• Temps de service
|
1h
|
3h
|
3h
|
- Aide aux élèves
|
0h
|
dont 2h
|
Dont 1h
|
(groupe restreint)
|
|
(soit 4 x 30 min)
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(soit 2 x 30 min)
|
- Concertations pédagogiques (conseils d'école, des maîtres), rencontre des parents, formations)
|
1h
|
dont 1h
|
dont 2h
|
*Dans la très grande majorité des écoles. Quelques unes dérogeaient à cette organisation.
Avec la suppression de l'école le samedi matin lors de la réforme de
2008, le nombre d'heures d'enseignement hebdomadaire est passé de 26h à
24h et a permis de reconnaître aux enseignants trois heures de temps de
service en dehors de la classe (au lieu d'une heure auparavant) dont 1h
pour les concertations pédagogiques, les formations, les rencontres avec
les parents et 2h pour l'aide aux élèves (soit au total 108h sur
l'année). Comme indiqué plus haut, cette aide personnalisée avait
considérablement augmenté les journées des élèves puisqu'elle se situait
en dehors des temps de cours. Dans la nouvelle réforme, ces 3h
hebdomadaires ont été redéfinies pour reconnaître davantage le travail
en équipe des enseignants et leurs rencontres avec les parents (2h par
semaine) ; l'aide aux élèves étant désormais d'1h par semaine.
Si on ne peut que souscrire au retour à 4 jours et demi d'école, on
peut se demander pourquoi l'application de la réforme ne suscite pas
l'adhésion de tous les acteurs et si elle respecte l'objectif
d'allègement fixé au départ. Force est de constater que même chez les
enseignants favorables à ce retour,
de fortes réserves sont émises sur le projet actuel. En effet, celui-ci présente
plusieurs défauts et soulève
de nombreuses interrogations très concrètes :
1/ L'allègement des rythmes scolaires n'est pas significatif
Le projet actuel du ministère ne suit pas les recommandations de la consultation nationale des rythmes scolaires (rapport d'orientation du 4 juillet 2011). Ce rapport proposait :
-
de limiter la durée totale des cours à 5h par jour (y compris en 6
e-5
e).
Le projet actuel prévoit des journées qui peuvent aller de 5h15 à 5h30 de cours quotidien. Les collégiens de 6e-5e conserveront des journées de 6h. Si l'allégement n'est que de 30 ou 45 min, on a du mal à comprendre le bénéfice pour les élèves.
-
de limiter la semaine à 23h de cours (y compris en 6
e-5
e)...soit 5h de cours par jour, et 3h le mercredi matin.
Le projet actuel prévoit de maintenir la durée hebdomadaire de 24h d'enseignement.
-
d'organiser l'année scolaire sur 37 ou 38 semaines (y compris en 6
e-5
e).
Le projet actuel maintient les 36 semaines d'école sur l'année.
2/ Le décret sur les rythmes scolaires n'oblige pas les mairies à
prendre en charge les élèves jusqu'à 16h30 ni d'organiser des activités
périscolaires.
Dans une interview au journal Le Monde du 11/10/2012, le ministre de l'éducation, Vincent Peillon, affirmait
qu'« aucun enfant ne sera hors de l'école avant 16h30 ». Pourtant, d'après le décret du 26/01/2013 sur les rythmes scolaires, les
mairies ne sont pas tenues de prendre en charge les élèves jusqu'à 16h30 ni même d'organiser des activités périscolaires.
Pour inciter les collectivités locales à mener ces activités et les
aider à prendre en charge leur coût financier, le gouvernement prévoit
un fonds d'amorçage de 250 millions d'euros. Ce fonds est envisagé pour
20132014 ou 2014-2015 selon le choix de la commune. Or, la réforme
s'appliquera en 2016, 2017, 2018...ce qui signifie que le
financement actuel n'est que provisoire et
n'est pas envisagé de façon pérenne ! L'Association des Maires de
France (AMF) s'en est d'ailleurs inquiétée dans son communiqué du
24/01/2013.
Aussi, on peut se demander
si le gouvernement a vraiment bien chiffré le coût de ces activités périscolaires, comme
l'avait recommandé la consultation nationale des rythmes scolaires.
Dernièrement, le recteur de Toulouse Olivier Dugrip a indiqué que le
fonds d'aide pourrait atteindre 400 millions d'euros contre 250 millions
annoncés en novembre. Bref, difficile d'y voir clair pour les
collectivités locales. Enfin, il
leur reste peu de temps pour embaucher et former du personnel pour
la rentrée 2013 ; les activités périscolaires ne devant pas
s'apparenter pas à des activités de garderie mais bien à des activités
d'intérêt éducatif.
Malgré ces difficultés de financement, d'autres contraintes viendront s'ajouter :
- la
difficulté de trouver du personnel suffisant pour
mener les activités périscolaires. C'est la raison pour laquelle le
ministère précise dans son guide pratique que les communes pourront
demander aux enseignants volontaires d'assurer ces activités
périscolaires (ces heures étant rémunérées par les mairies). Si des
difficultés d'embauche de personnel communal se présentent, notamment
dans les petites écoles rurales, ne faut-il pas craindre quelques
pressions sur les enseignants pour assurer ces activités ?
- la
contrainte de l'espace : pour des raisons pratiques (éviter les déplacements, manque de locaux adaptés pour accueillir un grand nombre d'enfants),
les collectivités n'auront guère d'autres choix que de proposer les activités périscolaires au sein des classes. Cela
est d'ailleurs confirmé par le guide pratique du ministère : « la
commune peut utiliser les salles de classe dans le cadre des activités
périscolaires ». Outre le fait que
cela prolongera le temps de présence de nombreux élèves dans le cadre scolaire (3h de présence en plus par semaine), des
problèmes de partage de locaux se poseront (voir plus bas : les problèmes d'espace et de cohabitation entre APC et TAP).
N'oublions pas non plus que les
grandes villes et les petites communes rurales ne disposent pas des mêmes équipements ni des mêmes moyens humains pour proposer des activités périscolaires.
Que vont décider les municipalités ?
1/ Grenoble ® application en septembre 2013 2/ Blois ® application en septembre 2014
Deux exemples qui illustrent les difficultés d'application, même dans les grandes villes :
1/ Interview de Paul Bron, maire adjoint à l'éducation de la ville de Grenoble
06/02/2013 par le Café pédagogique
«
Trois scénarios sont travaillés par la ville quant à l'organisation de la journée :
Scénario 1 :
allongement de la pause méridienne à 2h 45mn. Il y a des avantages :
meilleur respect du rythme de l'enfant, possibilité de sieste pour les
petits, animateurs de la ville déjà sur place, coordination avec les
APC. Mais aussi des inconvénients : manque de locaux. Il est très
délicat d'envisager d'utiliser les salles de classes entre midi et 14h,
les parents nous renvoient la difficulté pour la ville d'assurer une
qualité de l'encadrement.
Scénario 2 : le
péri scolaire à 16h. Placer 1/4h pour donner un peu d'espace à une pause
méridienne parfois surchargée et arrêter l'école à 16h. Puis 16h-17H
périscolaire supplémentaire et APC et 17h-17h30 ou 18h périscolaire
actuel. Avantages : des temps plus stabilisés où il est possible de
construire un vrai partenariat et avec presque tous les enfants.
Inconvénients : capacité de trouver des animateurs disponibles à 16h,
trouver des locaux et ...c'est le coût le plus cher pour la ville.
Scénario 3 :
déplacer l'entrée à l'école à 9h avec garderie le matin, 15mn de plus à
la pause méridienne et fin d'école à 16h30. Le scénario le moins
ambitieux et le moins cher. Dans ce cas il faudra mettre des moyens
pour améliorer la qualité de la pause méridienne et
le péri scolaire du soir. »
2/ Interview de Yann Bourseguin, maire adjoint à l'éducation de la ville de Blois
01/02/2013 par le Café pédagogique
« On avait réfléchi à la question de la tranche 15h45-16h30. Et
on était arrivé à quelque chose de simplement impossible : tripler le
nombre d'animateurs, recruter 175 animateurs supplémentaires. A Blois
cette ressource humaine n'existe pas. Il y a un autre problème :
celui de l'espace. Aujourd'hui on accueille environ mille élèves après
16h30. Si je dois prendre en charge 4 500 enfants je n'ai que les salles
de classe pour les accueillir. Or c'est un espace qui est déjà partagé.
Ces problèmes les autres communes de l'agglomération me disent les
connaitre également. Je verrai donc ce que me dira le préfet et s'il me
confirme que j'ai le droit de ne rien faire. »
Si l'absence d'obligation de prise en charge des enfants jusqu'à
16h30 permettra une certaine souplesse d'organisation, on peut néanmoins
craindre que les collectivités
n'organisent pas d'activités périscolaires ou en limitent la portée et
se contentent d'activités de garderie soit
sur le temps du matin, du midi ou bien après la classe. C'est ce qui
est par exemple suggéré dans le scénario 3 présenté par le maire adjoint
de Grenoble (voir ci-dessus).
Dans le cas où il n'y aurait pas d'activités périscolaires le midi,
les enfants pourront sortir de l'école à partir de 15h45. Deux
possibilités : soit ils
restent à l'école pour des activités de garderie (qui génère aussi de la fatigue), soit ils
rentrent plus tôt chez eux si l'un des parents est disponible ou bien seuls à la maison avec le risque d'être plus longtemps devant leurs écrans.
3/ Des problèmes de temps et d'espace vont se poser entre les
Activités Pédagogiques Complémentaires (APC) et les Activités
Périscolaires (TAP)
1. Le temps des APC ne coïncide pas avec celui des TAP
Pour pallier la diminution quotidienne de 45 min de cours, le ministère prévoit :
- des
TAP (Temps d'Activités Périscolaires) pris en charge par les collectivités locales
- des
APC (Activités Pédagogiques Complémentaires) menées par les enseignants sous forme d'aide aux devoirs, d'aide personnalisée ou bien d'activités liées au projet d'école.
Si ces APC ne concerneront qu'un groupe restreint d'élèves (5 ou 6
maximum par enseignant), elles soulageront financièrement et humainement
les collectivités locales dans la prise en charge des élèves en TAP.
Selon la circulaire du 7 février 2013, ces APC seront d'une durée d'une
heure par semaine. On peut raisonnablement penser que les écoles
choisiront, dans l'intérêt des élèves, de faire deux périodes de 30 min
dans la semaine au lieu d'une séance d'une heure. C'est d'ailleurs
suggéré dans ces deux exemples d'emploi du temps du ministère (guide
pratique du ministère du 3 février 2013) :
Dans cette infographie, le ministère place les APC (Activités
Pédagogiques Complémentaires) sur les mêmes créneaux que les TAP (Temps
d'Activités Périscolaires). Or,
le temps des APC (30 min, à raison de deux fois par semaine par enseignant)
ne coïncide pas avec celui des TAP (45
min, à raison de 4 fois par semaine). Des questions vont donc se poser.
Qui surveillera les élèves entre les cours et les APC ? Qui les
surveillera avant ou après les APC si tous les autres élèves sont en TAP
? Les enseignants ? C'est fort probable et cela n'est pas dit. Si c'est
le cas, alors les enseignants ne finiront pas plus tôt qu'avant
puisqu'ils assumeront de nouveaux temps de surveillances...sans obtenir une quelconque reconnaissance !
Pourquoi ne pas reprendre l'école la dernière semaine d'août ?
* Cela réduirait les vacances d'été de seulement d'une semaine mais
cela se faisait déjà, avant 2008, dans quelques départements français
qui avaient choisi la semaine à 4 jours. Aussi, à partir de 2008, ont
été mis en place des stages de remise à niveau pour les élèves qui
avaient lieu également lors de cette dernière semaine d'août.
* En avançant les vacances de Toussaint d'une semaine par rapport aux
dates du calendrier actuel, cela permettrait de respecter l'alternance 7
semaines de classe, 2 semaines de congés pour le 1
er
trimestre. Il faut préciser que les élèves du primaire français ont déjà
un volume horaire important de cours puisqu'ils ont 864h de cours par
an (alors que la moyenne des pays OCDE oscille entre 774 heures à 821
heures en moyenne - selon l'âge des écoliers), cela est d'ailleurs
indiqué dans le guide pratique du ministère. Même en supprimant une
heure de cours par semaine (mais qui n'est pas demandé par les
enseignants), les élèves français resteraient au-dessus de la moyenne
OCDE (828h contre 774 à 821h) dans le volume global annuel d'heures
d'enseignement.
Dan un communiqué du 07/02/2013,
les fédérations professionnelles du tourisme (l'Umih, le Ceto, le Snav, la Fnam et le CNPA) ont même proposé de
raccourcir les vacances d'été à 6 semaines "avec un zonage" comme
pour les petites vacances. Aussi, elles suggèrent d'avancer les dates
de départs des vacances d'hiver et de printemps afin de « refaire des
mois de février et d'avril des mois de vacances ». Malheureusement,
cette deuxième proposition risque de faire du tort à la première car
elle révèle davantage l'intérêt économique que le souci éducatif de
l'industrie touristique. En effet, elle déséquilibrerait encore plus la
durée des périodes scolaires (périodes de 5 semaines puis d'autres de 11
semaines) alors que la consultation nationale des rythmes scolaires
préconisait un équilibre de 7/8 semaines de cours et de 2 semaines de
congés. Notons au passage que la nouvelle réforme conserve le triple
zonage des vacances d'hiver et de printemps et fera donc perdurer le
déséquilibre actuel : période de 6 semaines de cours en janvier-février
puis période de 10 semaines en mai-juin-juillet (voir calendrier
scolaire 2013-2014).
S'il existe des réticences sur le projet actuel, il y a aussi
l'expression d'un double malaise chez les enseignants du 1er degré :
1) L'impression dans l'opinion publique que les enseignants travaillent peu
2) Le sentiment du « deux poids, deux mesures » entre le 1er et le 2nd degré
1. L'impression dans l'opinion publique que les enseignants travaillent peu
C'est une idée très répandue dans l'opinion publique liée au nombre
de jours de vacances. Or, lorsque l'on compare aux homologues européens,
on ne peut pas dire que les enseignants du 1
er degré soient des tire-au-flanc !
Ainsi,
un professeur des écoles français donne 918 heures de cours par an (864h de cours + aide aux élèves),
alors que la moyenne des pays de l'OCDE est 782 heures. De plus le taux d'encadrement n'est pas le même puisqu'en élémentaire, on compte en France
18,7 élèves par enseignant contre 14,3 en moyenne dans les pays de l'OCDE, et l'écart est encore plus fort
en maternelle avec 21,5 élèves par enseignant contre 14,4 dans l'OCDE. Précisons
que ces calculs ne reflètent pas la réalité du terrain puisque ces
statistiques ne tiennent pas compte des professeurs n'ayant pas de
classe en responsabilité (remplaçants, enseignants spécialisés, en
formation, en disponibilité, en congé maternité, etc.).
Si le temps réglementaire des enseignants est de
27h par semaine (24h d'enseignement et 3h d'obligations de service), une enquête du syndicat SNUIPP montre qu'en réalité, les enseignants font
en moyenne près de 43h par semaine :
Ci-dessous les résultats d'une enquête du syndicat SNUIPP du 22 au 25 octobre 2012 auprès de 30 000 enseignants du 1er degré :
2. Le sentiment du « deux poids, deux mesures » entre le 1er et le 2nd degré
Si la réforme des rythmes scolaires suscite des réticences, c'est
aussi parce qu'elle alimente le sentiment d'un « deux poids deux mesures
» entre le 1
er et le 2
nd degré. En effet, il
était prévu, selon la consultation nationale sur les rythmes scolaires,
que cette réforme concerne le primaire mais aussi le collège (allégement
de la journée des 6
e-5
e à 5h de cours par
semaine, allongement du calendrier scolaire à 38 semaines de cours au
lieu de 36). Or, sans doute pour ne pas froisser les syndicats
majoritaires du 2
nd degré, la réforme ne concernera pas le collège.
Cela laisse entendre, une fois de plus, que les efforts d'adaptation du système éducatif ne sont portés que par le 1
er degré. Cela accroît également les disparités entre les enseignants du 1
er degré (maternelle et primaire) et du 2
nd degré (collège et lycée).
1. Il n'y a pas la même reconnaissance du travail entre les enseignants du 1er et du 2nd degré
En effet, si on y regarde de près, on se rend compte que :
-
Le taux d'encadrement (nombre d'élèves par enseignants)
au primaire est de 18,7 (contre 14,3 moyenne OCDE) alors que
celui du secondaire est de 12,3 (chiffre identique à celui de la moyenne OCDE)
- Les enseignants du 1er degré font
918h par an devant les élèves (moyenne OCDE : 782h) quand les
enseignants de collège font 642h par an (moyenne
OCDE : 704h) et au lycée 628h (658 heures moyenne OCDE). Certes, la
préparation des cours au lycée et les corrections ne sont pas les mêmes
qu'au primaire mais la différence n'est pas si grande entre le collège
et le primaire. De plus, les enseignants du 1
er degré sont
polyvalents et doivent préparer leurs cours dans pas moins de dix
matières (français, mathématiques, sciences, géographie, histoire,
instruction civique, anglais, informatique (B2i), éducation musicale,
arts visuels, histoire des arts...) quand les enseignants du 2
nd
degré sont monovalents et n'ont qu'un niveau par classes. Dans beaucoup
d'écoles, notamment rurales, les enseignants du primaire ont souvent du
double niveau, voire triple ou quadruple niveau dans la même classe
(exemple : GS-CP, CE1-CE2...).
- Les professeurs de secondaire assurent 18h de cours par semaine, les enseignants du primaire assurent 24h.
Les premiers n'ont pas d'obligations de présence et de services en dehors des cours (hormis les conseils de classe trimestriels),
les
seconds en ont 3h par semaine (aide aux élèves, concertations
pédagogiques...). Les enseignants du primaire assurent les temps de
surveillance des élèves (il est vrai comptabilisé dans les 24h d'enseignement), alors que
les enseignants du secondaire non. Il
faut préciser également que beaucoup de professeurs du secondaire font
souvent au-delà de 18h de cours en effectuant des heures supplémentaires
(HSE) mais celles-ci sont rémunérées en heures sup.
Quand les professeurs de collège ont des concertations pédagogiques,
cela est pris sur leur temps de cours. Les élèves n'ont donc pas classe.
Impensable au primaire ! Les concertations pédagogiques dans les écoles
se font toutes en dehors des cours, dans le cadre des 3h d'obligations
de service hebdomadaires.
- Selon le syndicat SNUIPP,
la différence de salaire entre les professeurs du 1er et 2nd degré peut atteindre jusqu'à 600 euros mensuels en milieu de carrière. Toute heure de cours supplémentaire dans le 2
nd
degré est rémunérée en heures supplémentaires, toute tâche
supplémentaire (tutorat, accompagnement éducatif...) est rémunérée par
une indemnité...tandis que l'aide personnalisée aux élèves, la rencontre
des parents, les concertations pédagogiques... font partie des
obligations de service des enseignants du primaire et ne font l'objet
d'aucune indemnité.
- Un autre exemple qui illustre les disparités 1
er et 2
nd degré : les professeurs tuteurs de professeurs stagiaires touchent une indemnité annuelle de 929€ au primaire, quand ceux du 2
nd degré perçoivent 2000€. Qu'est-ce qui justifie cet écart ?
2. Le 1er degré, le premier engagé dans les réformes du système éducatif
Il est souvent dit que le système éducatif n'évolue pas. Pour autant, on ne peut pas dire que le 1
er degré ne soit pas engagé dans les réformes :
- Le 1
er degré a appliqué des nouveaux programmes en 1995,
2002, 2007, 2008 et plus récemment en janvier 2012. Au collège, les
programmes de français de 2008 ont remplacé ceux de 1996.
- Le 1
er degré a commencé la mise en œuvre du socle
commun, notamment avec les livrets personnels de compétence, dès 2009
quand le second degré a commencé deux ans plus tard. Les collèges ont
reçu des versions numériques de ces livrets pour valider plus facilement
les compétences...quand le primaire les attend toujours.
Les syndicats majoritaires du 2nd degré comme le SNES, FSU...sont
d'ailleurs réticents au socle commun et au rapprochement du collège avec
le primaire. Et pourtant l'école du socle, c'est l'école que les
meilleurs systèmes éducatifs, notamment les pays nordiques, ont choisi
de mettre en œuvre. Rappel : tous les systèmes éducatifs qui
fonctionnent le mieux sont ceux qui visent jusqu'à 15 ans les mêmes
connaissances et compétences pour tous. Les pays qui ont voulu
différencier les parcours d'orientation des élèves dès 12-13 ans ont eu
de moins bons résultats, comme l'Allemagne il y a quelques années.
- Les syndicats majoritaires du 2nd degré refusent la bivalence des
enseignants du collège. Exemple : un professeur qui enseigne le français
et l'histoire-géographie en 6
e-5
e pour faciliter
la transition école-collège. Dans de nombreux pays européens, il est
rare de voir un professeur de collège enseigner dans une seule
spécialité.
Ils refusent également que des professeurs de musique, d'arts,
d'anglais ou d'EPS du collège viennent enseigner au primaire pour que
les élèves puissent bénéficier de leurs compétences, et ce dans l'esprit
d'une école du socle. Pour rappel, jusqu'en 1986, était offerte la
possibilité aux instituteurs d'enseigner au collège comme Professeurs
d'Enseignement Général au Collège (PEGC).
- A chaque fois qu'un ministre de l'Education nationale met sur la
table la modification des missions et du statut du métier d'enseignant
du secondaire, les syndicats majoritaires du 2
nd degré se
crispent. Voilà pourquoi, le statut des professeurs du secondaire n'a
pas bougé depuis 1950 quand les dernières modifications de statut des
enseignants du 1er degré datent de 1990, 2008 et bientôt 2013. On n'a
pas entendu les éditorialistes du Monde dénoncer le corporatisme du SNES
après leur communiqué du 24/10/2012 indiquant le refus de l'école du
socle et de la modification du statut des enseignants du collège. Bien
dommage que l'on ne puisse adapter le statut des enseignants du
secondaire car l'une des clés de réussite des meilleurs systèmes
éducatifs, c'est le travail des enseignants en équipe et la formation
continue. Échanger sur l'efficacité des pratiques pédagogiques en
classe, sur les élèves en difficultés pour mettre en œuvre des
solutions, planifier la progression des apprentissages, préparer des
cours en commun. Tout cela ne repose que sur la bonne volonté des
enseignants alors que cela devrait faire partie intégrante du métier.
Pour conclure...
Il ne s'agit pas d'opposer les professeurs du secondaire à ceux du 1
er degré, il ne s'agit pas non plus d'être dans une course à l'échalote sur les conditions de travail .
mais simplement de demander que les efforts de réforme soient accomplis par tous (rythmes scolaires, métier et statut de l'enseignant, socle commun.) et
que le travail des enseignants du 1er degré soit davantage reconnu. Aussi, sont bien accueillies les propositions suivantes :
• le redéploiement des postes de l'Education nationale sur l'enseignement primaire dans la nouvelle loi sur l'école.
• la proposition de Vincent Peillon de rapprocher la rémunération des professeurs du 1
er degré sur celle des enseignants du 2
nd degré. Le Journal
Les Echos laisse
entendre que le ministère donnerait aux professeurs des écoles une
prime annuelle de 400 euros censée être une sorte d'équivalent à
l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (Isoe), touchée par les
enseignants du secondaire. Rappelons que l'Isoe dans le 2
nd degré est de 1 200 € annuels : la prime pour les enseignants du 1
er degré vaudrait donc 1/3 de l'Isoe.
• la création d'un cycle CM2-6
e et d'un conseil CM2-6e pour éviter le fossé et rapprocher les enseignants du 1
er et du 2
nd degré qui n'ont pas souvent lieu de travailler ensemble.
• le souhait du ministre de réformer les rythmes scolaires également pour le collège et le lycée.
Comme il est dit plus haut,
la réforme des rythmes scolaires
demande du temps. Elle doit être encore discutée et améliorée afin
qu'elle soit bien acceptée par tous les acteurs. Le fait
d'émettre des réserves sur le projet actuel ne doit pas être considéré
comme du « corporatisme étriqué » de la part des enseignants mais bien
l'envie de débattre pour
obtenir la réussite de cette réforme importante dans l'intérêt des élèves.